L'étrange blogue - Mot-clé - langue françaiseQuantité de choses.2023-03-19T13:28:27+01:00urn:md5:fb50d20b38a88adda5c20f24ab7f22e1DotclearÔ tempura, ô morueurn:md5:0fc794e42543aefea37ed087b307c98b2011-08-31T19:50:00+02:002011-08-31T20:22:41+02:00ACactualitébrèveslangue française <p>En cette rentrée, quelques brèves…</p>
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<p>Les députés UMP se soulèvent contre la présentation dans les nouveaux manuels scolaires de la « théorie du genre sexuel » selon laquelle les mâles ne sont pas nécessairement de stéréotype masculin et les femelles de stéréotype féminin. Ça me semble pourtant tout sauf révolutionnaire. En revanche, cette histoire a extrait de ma mémoire un passage du manuel de biologie que nous avions au collège, preuve que cela m'avait quand même un peu indigné à l'époque, qui disait en substance que <em>les adolescents de même sexe peuvent parfois concevoir l'un pour l'autre un sentiment amoureux, que c'est normal et que <strong>ce n'est que passager</strong></em>. À choisir, les nouveaux manuels me semblent quand même vachement mieux.</p>
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<p>Je n'en reviens pas qu'on continue à publier des livres et articles ayant pour titre « machin m'a tuer ». Il faudrait que les éditeurs se rendent compte que c'est complètement éculé. En outre, les plus jeunes ne comprennent sans doute rien à cette manie, ni à la faute d'orthographe associée. À l'occasion de la sortie de <em>Sarko m'a tuer</em> (à grand renfort de publicité dans les médias — évidemment, rien à voir avec le fait que les auteurs sont journalistes), je me suis demandé combien de livres avaient déjà calqué leur titre sur ce modèle (en excluant évidemment tous les « Omar m'a tuer »). Google Livres donne une réponse : 93. En vrac, <em>Le français m'a tuer</em>, <em>Le mammouth m'a tuer</em>, <em>Marianne m'a tuer</em>, <em>Travail m'a tuer</em>, <em>Facebook m'a tuer</em>, <em>La justice m'a tuer</em>, <em>L'entreprise m'a tuer</em>, <em>Le rap m'a tuer</em>…</p>
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<p>En parlant de lexique, je me délecte chaque jour de celui qui accompagne les nouvelles économiques. Il y a, par exemple, les <em>niches fiscales</em> dont certaines sont <em>indéboulonnables</em> et les autres qu'on <em>rabote</em>. Je me demande si celui qui a inventé l'expression y a réfléchi : à moins d'y aller très fort, tout ce que vous ferez en rabotant une niche, c'est l'agrandir et l'embellir, pour le bonheur de Snoopy. Et puis, il y a les bourses. Systématiquement au pluriel. Chute des bourses, bourses en berne, bourses fragiles, bourses actives, bourses dans un climat d'excitation… Je me plais à penser que des notions économiques pourraient un jour trouver leur métaphore dans les bourses fripées et les bourses poilues, et à imaginer les journaux.</p>
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<p>C'est moins d'actualité mais tant qu'on est dans les expressions utilisées à tort et à travers, « sous le sceau de » court en tête. À l'origine, « sous le sceau du secret » faisait allusion au cachet de cire qui garantissait le secret de la correspondance. Puis, tout à fait légitimement, la locution a été adaptée lorsqu'on voulait insister sur la protection du secret : « sous le sceau de l'anonymat », « sous le sceau de la confession », « sous le sceau de la confidence »… C'est là que tout s'emballe. Est-ce la proximité à l'expression « sous le signe de » ? Toujours est-il que la notion de secret en a pris un coup, puisqu'on trouve dans les journaux quelques perles comme « sous le sceau de la célébration des 50 ans du Togo », « sous le sceau de la magnificence », « sous le sceau de la stabilité »… Ouest-France nous offre même un splendide « Pâques sous le sceau de l'hippisme » ! Comment savoir si l'expression est utilisée correctement ? Essayez la phrase « je vous le dis sous le sceau de… » et confirmez que ça passe ou riez un bon coup. Que tout cela reste entre nous : je vous l'ai dit sous le sceau de l'hippisme.</p>La bonne paroleurn:md5:395c77865706c90fb875e950494332bc2011-03-16T01:58:00+01:002011-03-16T01:58:47+01:00AClangue françaiseorthographeécriture <p>Que cela soit dit une bonne fois pour toutes : <em>le cas échéant</em> ne signifie pas « dans le cas contraire » mais « si le cas venait à se produire ». C'est le verbe échoir, pas échouer. Échec.</p>
<p>Ah, et on ne dit pas <em>mineur de moins de treize ans</em> mais <em>mineur de treize ans</em>. Mineur signifie déjà « moins » dans ce contexte.</p>
<p>Oh, et pendant qu'on y est, la traduction de l'anglais <em>digital</em>, c'est numérique. Pas digital. Ça, c'est les doigts.</p>
<p>Et pourquoi tout le monde fout un s à <em>un souci</em>, hein ? Tiennent tant à en avoir plusieurs ?</p>
<p>Et la manie des majuscules aux noms des jours et des mois… À réserver à Mercredi Addams, au Vendredi de Defoe, à la planète Mars, à Avril Lavigne, Octobre Rouge et Tom Novembre. Capital.</p>
<p>Bande de nuls.</p>Collectifurn:md5:1662d5ab5d72e7186ae1ca1c0070f96b2010-09-29T23:04:00+02:002010-09-29T23:04:00+02:00ACbullshitcollectiflangue françaisevocabulaire <p>Dans la série des mots moches du moment, le « collectif » tient une bonne place. Collectifs de musiciens, collectifs d'associations, collectifs d'artistes… Pas un jour ne passe sans que la presse ne se fasse écho de l'action de tel ou tel collectif (car les collectifs s'occupent généralement à mener des actions ou à transmettre des messages, voire à exprimer des revendications).</p>
<p>Mais, un collectif, qu'est-ce que c'est ? Est-ce à la collection ce que le correctif est à la correction ? (C'est-à-dire la même chose en plus moche.) Vraisemblablement pas. Évidemment, on pourrait se contenter de regarder dans le dictionnaire. Le Larousse et le TLF s'accordent à dire qu'il s'agit d'un ensemble de personnes travaillant à une même entreprise. On sent bien qu'en ce moment, c'est plus que cela. Si j'affirmais que nous constituons un collectif avec mes collègues de travail, sans doute un journaliste viendrait-il aussitôt nous demander quelle est notre cause et quand a lieu le <em>happening</em>.</p>
<p>On peut aussi s'intéresser à l'étymologie. Plus précisément, à ce suffixe –if qui, dans la langue française, équipe les adjectifs désignant une propension, un mode d'action, presque une raison d'être. Une substance corrosive corrode et, contrairement à une substance <em>dangereuse</em>, on serait fort contrarié qu'elle ne corrodât pas. Un élève attentif mène une action ouverte de concentration. Il n'est pas seulement sage.</p>
<p>On note que l'immense majorité des noms communs en –if sont des adjectifs substantivés. Un adhésif est un ruban adhésif ou une substance adhésive abrégés. Un oisif est une personne oisive. Un correctif, une action corrective (on voit qu'autant le substantif correctif est absurde, autant l'adjectif est utile : ponçage correctif, décision corrective…). Que serait donc le <em>collectif</em> substantivé ? Un groupe collectif ? Pléonasme. C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Un collectif de musiciens est un groupe de musiciens. Un collectif d'artistes est un groupe d'artistes. Un collectif d'associations, un groupe d'associations. Le pléonasme flagrant n'est pas la moindre des horreurs de ce mot.</p>
<p>Qu'est-ce qui fait, alors, qu'on parle tant des collectifs ? Qu'est-ce qui fait qu'on se nomme collectif (hormis le fait qu'on trouvera un écho dans les médias) ? Qu'est-ce qui fait que le collectif respire la révolte à deux balles, le sourire carnassier et le mode de pensée négatif ? Déjà, sans doute, le fait que rien qu'à travers son nom, il rejette la possibilité de n'être qu'un groupe. Il rejette la possibilité d'utiliser le vocabulaire, les conventions existantes. Il se moque, par son pléonasme hideux, de recourir à la logique. S'il pouvait s'appeler <em>kolektif</em>, il le ferait. Oups. Ça existe. (En plusieurs exemplaires, même, cf. Google. Pour l'anticonformisme, on repassera.) Et puis, surtout, le collectif est, tant en tant qu'institution qu'en tant que mot, un gros glaçage bien sucré qui fait complètement fi de la saveur du groupe sous-jacent. On se moque bien de savoir quelle musique joue un collectif de musiciens. On veut savoir leurs opinions politiques, leur message, leur action militante. Au mieux, on lira les paroles engagées. On n'attend pas d'un collectif d'associations qu'il travaille, qu'il fédère des efforts, qu'il accompagne ses adhérents dans la réalisation pratique d'un projet. On attend de lui qu'il produise du pur <em>bullshit</em> médiatique pseudo-libertaire à la con.</p>
<p>Bref, c'est donc un des mots les plus moches du moment, qui a néanmoins l'avantage de désigner avec la même efficacité qu'un jingle de pub le moment où l'on peut (doit) se détourner de la propagande à venir.</p>