L'étrange blogue - Mot-clé - vieQuantité de choses.2023-03-19T13:28:27+01:00urn:md5:fb50d20b38a88adda5c20f24ab7f22e1DotclearVivre et laisser courirurn:md5:6891e4460e19fc3033ac752201e421612011-05-23T14:47:00+02:002011-05-24T10:06:52+02:00ACorganisationpenséesprojetsréflexionvie <p>Le sentiment de satisfaction qui accompagne la compréhension est sans doute universel. Il prend une saveur particulière quand c'est soi-même qu'on a réussi à un peu mieux connaître.</p>
<p>Je ne suis pas quelqu'un d'organisé. Je flotte dans un environnement fait d'emploi du temps, de tâches, de souhaits et d'obligations, mais j'y suis un piètre nageur. C'est aux jeux de stratégie que je suis le moins bon. J'ai peu de rituels quotidiens ; je fais ma toilette un coup le soir, un coup le matin, comme ça se présente. Il est rare, chez moi, que des situations initiales similaires produisent des résultats identiques. J'existe de façon chaotique.</p>
<p>Pourtant, je n'ai pas été mauvais dans mes études. Au quotidien, j'avance sans encombre. Les projets que j'entame se réalisent la plupart du temps sans trop de retard.</p>
<p>C'est d'autant plus incompréhensible qu'en plus de mon incapacité à planifier les choses de façon rationnelle, j'accumule les projets d'une manière qui semble irraisonnée (mais nous verrons que c'est la clé du salut). Si encore j'y consacrais tout mon temps, si j'allouais consciencieusement une case à chaque activité afin d'avancer sur tous les fronts, on pourrait me donner une chance de m'en sortir.</p>
<p>Mais je n'ai pas de scrupules à me laisser emporter par les livres, le ciné, la télé, le net... On me verra rarement refuser l'occasion d'un apéro, d'un dîner ou d'un week-end. Je n'ai pas de scrupules, non plus, à mettre en attente les tâches qui m'ennuient, à moins qu'elles ne soient d'une urgence indiscutable (une date de fin de projet fixée arbitrairement n'est pas une urgence).</p>
<p>J'aurais, au contraire, des scrupules à transformer les tâches en corvées. Les tâches sont des objets neutres et il ne me semble pas qu'il y en ait qui soient désagréables autrement que par comparaison avec leurs voisines de cerveau (les pires corvées apportent la satisfaction élémentaire du travail bien fait, pour peu qu'on s'y applique). Je m'en voudrais de ne pas laisser à toutes la chance de m'être agréables. Ne nous rendons pas esclaves de nous-mêmes.</p>
<p>Il se dégage de cela un premier phénomène qui semble s'avérer particulièrement efficace dans l'avancement général de mes projets : il me suffit d'une tâche urgente pour qu'immédiatement mes autres projets avancent, fussent-ils totalement futiles au regard de l'importance de la tâche qui m'accable. Mon appartement n'est jamais aussi propre que lorsqu'il est primordial que je fasse autre chose que le ménage. Quant à la tâche urgente qui n'est pas faite, j'éprouve une certaine satisfaction à constater que le monde ne s'en est pas écroulé pour autant et qu'il y a, finalement, bien peu de choses à faire à temps dans la vie.</p>
<p>La compréhension récente d'un deuxième phénomène me donne un bien meilleur éclairage sur la façon dont j'arrive à tout mener de front avec un tel dilettantisme. L'environnement où je flotte est parcouru de courants ascendants, descendants, tourbillonnants, et les tâches elles-mêmes s'y épanouissent comme des populations de poissons farouches dont les interactions m'échappent. Il m'est rigoureusement impossible de prévoir à quel moment chacune va s'imposer à moi. Ce soir, aurai-je plutôt envie de réfléchir à l'écriture de mon <a href="http://blog.pnk.fr/post/2011/05/11/%C3%80-la-carte">texte</a> ? De poursuivre la composition d'une chanson pour la comédie musicale qu'on tourne cet été ? Ou de me poser comme une larve devant la télé ?</p>
<p>Aucune idée. Et peu importe. Je sais juste qu'en multipliant les bancs de poissons et en attrapant les courants comme ils se présentent pour me laisser porter, au bout du compte, le piètre nageur que je suis aura pu faire joujou avec tous les poissons. Si le chaos contrôle ma vie, j'ai fini par comprendre que son comportement statistique travaillait pour moi. Il s'ensuit une sérénité digne des fonds marins.</p>
<p><img src="http://blog.pnk.fr/public/images/photos/plongeur.jpg" alt="CC by-sa / by flickr user derekkeats" style="display:block; margin:0 auto;" title="CC by-sa / by flickr user derekkeats" />
Photo sous licence CC by-sa, par <a href="http://www.flickr.com/photos/dkeats/5740035329/">derekkeats</a> (Flickr).</p>Héurn:md5:31e9b54779d31e16361263786e6a6b9c2010-04-09T22:57:00+02:002010-04-09T22:57:00+02:00ACblogvie <p>Un blog, c'est comme tout le reste.</p>
<p><em>« Hé ! Je vais développer un logiciel de la mort, je serai riche et célèbre ! »</em> Et puis quand on se trouve un emploi de développeur, curieusement, on perd toute envie de se remettre à taper du code une fois rentré chez soi.</p>
<p><em>« Hé ! Je vais acheter un vieil appart tout pourri dans un quartier sympa et le refaire entièrement, et ce sera vraiment chez moi ! »</em> Et puis quand en fait d'être chez soi, on partage l'espace sonore du voisinage, on rêve à une baraque en béton aux normes acoustiques et loin de toute trace humaine.</p>
<p><em>« Hé ! Je vais envoyer des textes à un éditeur, je serai riche et célèbre ! »</em> Et puis le jour où on s'aperçoit qu'être édité est un fantasme partagé par quelques millions de Français et que la plupart des écrivains sont pauvres et anonymes, on est content de ne pas avoir insisté.</p>
<p><em>« Hé ! Je vais faire un <a href="http://gouv.pnk.fr/" hreflang="fr">site</a> rigolo et cynique qui générera de fausses déclarations politiques aléatoires et qui deviendra un mème sans plus tarder ! Et je serai rich… euh… célèbre ! »</em> Et puis les mois où il totalise trois visites on est heureux.</p>
<p><em>« Hé ! Je vais ouvrir un blog ! Je suis sûr que j'ai plein de trucs à raconter ! »</em> Et puis on y parle de son blog.</p>Bruiturn:md5:a07e7f7210fb1ef11c2b82ae288407af2008-06-09T22:14:00+02:002008-06-10T00:23:31+02:00ACbullshithasardmétaphysiqueplanification de mouvementréflexionvie<p>Les espaces infinis…</p> <p>Il y a des tas de possibilités de vie. Comment réagir au fait que notre vie tient, d'un bout à l'autre, de l'anecdote, de l'arbitraire ? On passe notre temps à être ce que l'on est alors qu'il serait si facile d'être autre chose, n'importe quoi, de faire autre chose, d'avoir d'autres convictions, de s'engager différemment, de vivre ailleurs : d'être autre. Car nous ne sommes pas intimement persuadés que nos choix et nos opinions sont les bons ; nous sommes intimement persuadés que beaucoup de choix en valent d'autres, que beaucoup d'opinions en valent d'autres, que beaucoup de religions en valent d'autres, et nous avons la lucidité de comprendre que nous sommes ce que nous sommes essentiellement par paresse de ne pas être autre chose, que ce qui nous apparaît important ne l'est pas tant que ça. Publiquement, nous prenons l'air décidé pour ne pas paraître aveugles. Mais comment accepter de ne tracer qu'une ligne dans un espace infini de possibilités ? Car douter d'où l'on va, ce n'est pas être aveugle, c'est même tout le contraire : c'est voir non seulement où l'on va, mais aussi voir partout où l'on ne va pas. C'est, pourrait dire Kundera (oui, ça fait toujours classe une référence), transformer la route en chemin, c'est-à-dire cesser de tracer des lignes aveugles entre des lieux connus pour se mettre à exister dans le lieu où l'on évolue.</p>
<p>Une vie pleine pourrait procéder d'un va-et-vient perpétuel entre manifestation du hasard, sous la forme d'opportunités, et choix conscient consistant en l'adoption ou le rejet de ces opportunités. Car seul le hasard est créateur, seul le hasard apporte des choses qui n'existent pas déjà en nous, c'est pourquoi la vraie création est à double tranchant : nous la célébrons mais elle ne nous doit rien, nous sommes au mieux ses messagers, ou bien nous lui sommes indifférents. Pour bien créer — par exemple sa propre vie — il faut donc être attentif à ce qui n'est pas nous, être attentif à ce qu'on ne maîtrise pas, qui nous file autour, ou qui est posé là, et choisir de s'intégrer à tel mouvement ou de donner du mouvement à telle chose immobile. C'est-à-dire que, progressant sur le chemin si cher à Kundera, il faut être attentif à ce qui se trouve tout autour de soi, s'aventurer un peu hors du chemin, se réserver la possibilité de la découverte et donc le choix de bifurquer éventuellement, de rompre la répétition, de casser la routine, de faire au mieux et non au plus facile.</p>
<p>Je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec mon métier. En planification de mouvement, le hasard est la meilleure technique d'exploration de l'espace (comme dans certaines techniques informatiques d'optimisation globale, les <em>métaheuristiques</em>). Contrairement à une succession de déplacements qui seraient choisis de façon trop déterministe, une série de sauts effectués au hasard garantit d'explorer tout l'espace en un temps fini. Cela fait des années que je travaille quotidiennement avec cette propriété mais je suis toujours fasciné par l'idée que le hasard soit la façon la plus efficace de trouver une solution rigoureuse à un problème parfaitement défini. Et il ne faut pas voir le recours au hasard comme un pis-aller. Il existe, en planification de mouvement, des techniques totalement déterministes permettant d'obtenir les mêmes solutions. Mais elles sont généralement beaucoup plus lentes que les techniques aléatoires. Bien domptée, une exploration faite au hasard est donc également plus rapide que toute autre technique, ce qui va encore une fois à l'encontre de l'intuition qui y verrait plutôt un errement inutile qu'une stratégie efficace. Il n'y a pourtant pas d'errements inutiles. Il n'y a qu'en errant que l'on peut réellement apprendre tout et n'importe quoi. On dénigre le hasard, le bruit, l'irrégularité au profit de la beauté mathématique des formes régulières des solides platoniciens, de la lisse courbure des fonctions classiques, de la régularité d'une grille, de la certitude d'une ligne droite. Pourtant, plus on combine ces mathématiques élémentaires pour créer des choses complexes, moins on arrive à prévoir, moins on arrive à lisser, plus on exhibe des comportements se rapprochant du hasard.</p>
<p>Le bruit blanc d'une télé mal réglée est l'expression d'une complexité inimaginable, de même qu'une tache de rouille, une branche tortueuse, des secousses en avion… Tandis que l'ordre géométrique d'un défilé militaire reflète très bien, par la pauvreté absolue des notions mises en œuvre, ce que la démarche a de primaire.</p>
<p>Cassez la régularité de vos vies et emplissez l'espace. Écoutez le bruit ambiant et domptez-le gentiment pour vous laisser guider.</p>
<p>Facile à dire.</p>