L'humain a déserté la ville
Béton amer
Je ne vais pas revenir dans le détail sur ma désagréable expérience du 18 août. En résumé : train omnibus Paris-Montparnasse - Versailles-Chantiers de 21 h 13. Je commets l'erreur de sortir mon iPhone pour écouter de la musique. Petit à petit, en m'isolant des autres passagers, en parlant de me cogner, de m'étaler, de me planter et de me buter à l'arme à feu, trois petits cons me détroussent. iPhone, carte bancaire, code de carte bancaire et quarante euros en liquide. D'aucuns, moi y compris, jugeront que j'ai bêtement paniqué et manqué de répondant ; encore faut-il se trouver dans la situation pour pouvoir réellement en juger. Bref, ce n'est pas mon propos car chacun sait que dans le monde de merde qu'on a construit, ces choses-là arrivent. Pour certains, elles se finissent à l'hôpital ; j'ai au moins la chance que ce ne fût qu'au commissariat. Les quelques autres passagers du wagon n'ont pas réagi, réellement ignorants de ce qui se passait ou feignant de l'être et je ne peux pas leur en vouloir : qui risquerait de prendre un coup pour un iPhone, hein ? Pas moi, alors pourquoi eux ? Ils m'ont au moins spontanément aidé une fois les petits cons partis avec leur butin. Non, ce n'est pas non plus mon propos car ce sont là des choses très normales.
Je descends donc à Versailles, seul, sans argent ni téléphone — et carrément flippé. Mais plein d'espoir : descendu du train, loin de mes agresseurs, sur la terre ferme et dans une gare d'assez grande taille pour entrer en contact avec la SNCF, la police ou quelque autre service public en mesure de m'aider. Ha. Accueil : éclairé mais vide. Guichets : tous fermés. Police : locaux introuvables. Et là, réellement, malgré tout ce qui venait de m'arriver, j'ai ressenti une énorme anomalie pour la première fois de la soirée. J'ai ressenti l'absence énorme de l'humain dans la ville laissée à elle-même, sans plus aucune représentation officielle, sans plus aucun service, sans ses fonctionnaires chargés de rendre le lien possible entre les citoyens et la mécanique hostile du Système. Fonctionnaires chargés d'aider, simplement. Absents. Supprimés. Que chacun rentre chez soi ; nous ne sommes plus faits pour vivre ensemble. Juste pour être rangés les uns à côté des autres. L'espace public ne servant plus qu'au transit d'un rangement à un autre, on lui a ôté la présence de l'humain. Conducteurs de trains enfermés dans leur cabine, pilotes de ligne barricadés dans le poste de pilotage et, en gare de Versailles-Chantiers, agents de la police ferroviaire cachés dans un local anonyme trouvé seulement grâce à l'intervention bienveillante de passagers qui connaissaient les lieux. Ah, il y a encore un peu d'humanité et de chaleur, quand on a de la chance. Un peu d'humanité aussi au commissariat, une fois passé l'accueil absolument désert. Mais je ne peux pas me défaire de l'impression que ce sont là les restes de quelque chose qu'on s'applique à déconstruire minutieusement après avoir passé tant de siècles à le construire.
La civilisation.
23 août 2009
Commentaires
Ben m**** alors ! C'est déjà bien que tu aies pu t'en sortir indemne !
Ta description me fait penser qu'on converge vers une civilisation post-apocalyptique sans avoir besoin de l'Apocalypse en fait.
Rues désertées dans lesquelles fument encore des vestiges de vies trépidantes...
Bonne chance aussi pour les procédures à la banque ...
02 septembre 2009
Je me suis fait detrousser durant mon sommeil sur un toulouse-bordeaux comme ça. Moins dangereux, vu que je dormais. Mais reveil assez désagréable quand même, donc je compatis.
T'as donné ton vrai numéro de CB au fait ?
Oserais-je mentionner que ça n'arrive pas au Japon? Il me semble que c'est pas la première fois que tu te fais agresser de cette manière en plus :(
[inserer ici blague de gout douteux comme quoi l'iPhone est décidemment dangereux pour ses usagers]
02 septembre 2009
Entre ça, le bruit, les saoulards, le vandalisme, le vol (on m'a forcé la portière de la voiture le mois dernier), les embouteillages, le stationnement impossible, je suis de toute façon de plus en plus décidé à émigrer loin de la ville dans les années qui viennent. Ou loin de la France, mais ça me semble gastronomiquement difficile, quoique politiquement souhaitable. Faut juste que je trouve ce que je pourrais bien faire comme boulot…
En attendant, je vais peut-être m'acheter un masque à gaz et des rangers pour donner vie à la vision de Rémy…
02 septembre 2009
La vache! Bon courage...
05 septembre 2009