Téléchargement de voiture
Usual suspect
J'ai regardé ce soir le très bon Infernal Affairs II en DVD.
Mais je ne vais pas parler du film.
Dès l'insertion du DVD, on se paie, en prologue obligatoire, en plus du logo Studio Canal, un petit film qui dure facilement une minute, agressif, insultant, mettant en parallèle le téléchargement de film et le vol de voiture. On se prend en pleine gueule, en gros caractères rouges vibrants, des histoires de loi, de punition, etc.
Voilà donc le tout premier message qu'on adresse, avant même le menu, à celui qui n'est justement pas concerné puisqu'en train de regarder un DVD acheté. Non pas que j'attendisse un « merci », mais un rien du tout me convenait parfaitement, plutôt qu'une minute perdue de propagande aigrie. Est-ce que, quand on achète une voiture, on a droit à un sermon du vendeur sur le vol de voiture ? Ou pire, à chaque fois qu'on démarre, une voix moralisatrice sortant de l'autoradio ? (On pourrait d'ailleurs imaginer la campagne inverse : Télécharger un film ? Jamais ! Alors, voleriez-vous une voiture ?
Bizarrement, ça ne sonne pas très bien.)
Aujourd'hui, pour moi, les deux raisons valables d'acheter un DVD plutôt que de télécharger un film sont la simplicité d'utilisation et la satisfaction de rétribuer les ayants droit. Une minute d'insulte obligatoire avant le menu, ça casse pas mal le plaisir d'utilisation (à peu près le temps qu'il faut pour chercher un torrent et lancer le téléchargement), et ça donnerait plutôt envie de récupérer son argent, si c'est pour le donner à des commerçants si délicieusement agréables avec leur clientèle. Il faut croire qu'acheter un DVD, de nos jours, fait de nous des gens louches.
(En plus, le téléchargement, c'est pas du vol, c'est de la contrefaçon.)
02 novembre 2009
Commentaires
Pfff, tu ne sais pas à quel point je suis d'accord avec toi.
Note que récemment j'ai acheté le DVD de Wall-e (version UK). Eh bien à l'intérieur du DVD se trouvait un petit carton qui disait: "si vous lisez ce message, c'est que vous avez acheté une copie officielle de Wall-e et nous vous en remercions". C'est bien d'avoir le message inverse. Je dirais même que c'est naturel.
Ras le bol des DVD avec pubs impossibles à passer et message insultant pour le consommateur. Elle est où la pétition ?
Je recommande sur le même sujet mon excellentissime article sur la fois où j'ai voulu légalement louer un film numérique sur le Playstation Store:
http://wololo.net/wagic/2009/06/08/...
03 novembre 2009
Ton article montre bien tout le paradoxe des offres légales dont les prestataires se plaignent de ne pas vendre tout en empêchant l'acheteur d'acheter. Car figurez-vous que s'il achetait, il pourrait redistribuer des copies illégales ! Mieux vaut encore qu'il n'achète pas et que nous, ayants droits, continuions à passer pour des victimes à défendre. Pendant ce temps, la loi se renforce en notre faveur. Pourquoi renoncer à ça ?
Ton article m'a fait penser à l'iTMS dont le catalogue varie d'un pays à l'autre, jusqu'à la situation absurde où certains albums d'un artiste ne sont disponibles que dans un pays, tandis que d'autres albums ne sont disponibles que dans un autre pays ; cf. General Elektriks dont je parlais récemment sur ce blog : le store USA n'a que le premier album et le store France n'a que le second. Ceci dit, ce genre de restriction est appuyé par les ayants droit, pas par les vendeurs (Apple, Amazon...) qui poussent plutôt pour une libéralisation maximum. Le cas de Sony est particulier puisqu'ils sont vendeur et ayant droit.
Pour la vidéo, l'ouverture de Hulu en dehors des USA irait dans le bon sens, mais c'est mal barré.
En attendant, pour les séries US, la rivière continue de charrier ses alluvions sur les rives de mon réseau domestique dont les méandres des câbles Ethernet irriguent mon écran...
03 novembre 2009
Il y a en effet quelque chose de fort cocasse (ou agaçant, c'est selon) à se voir donner une leçon de pseudo-morale lorsque l'on a acheté son "œuvre intellectuelle" de manière tout à fait légale.
Il n'empêche que je continue de m'interroger sur les raisons qui font qu'un CD ou un DVD me sont vendus à un certain prix, qui lorsqu'on le décompose révèle que l'ayant droit - c'est à dire l'auteur - n'en touche qu'une partie ridicule.
Les deux arguments que vous avancez (simplicité d'utilisation et rétribution des ayants droit) me semblent à peu près aussi fallacieux que ceux avancés par nos chères "majors" :
1. Concernant la simplicité d'utilisation : un bon .mkv ou un bon dvdrip en VOST sont tout aussi simples à utiliser et le temps qu'il vous faudra pour le téléchargement est au final peu ou prou le même que celui qu'il vous faudra pour aller à la Fnac du coin, repérer le rayon, prendre l'objet puis passer à la caisse. Sans compter que d'un strict point de vue ergonomique, ce message agaçant que vous ne pouvez pas (et ne pourrez jamais, lors d'un visionnage) passer, l'est ("zappable", si l'on peut dire) systématiquement dans une version téléchargée.
2. Concernant la rétribution des ayants droit, je préfèrerai toujours (au futur, non au conditionnel, car c'est une chose que je fais déjà et continuerai à faire) payer l'(les) artiste(s) directement plutôt que de payer également les innombrables intermédiaires qui doivent tous assurer leurs propres revenus.
Autant je suis viscéralement contre le téléchargement sauvage à coups de screeners et autres pourritures (qui ruinent totalement l'intérêt cinématographique ou musical d'une oeuvre et n'ont d'autre intérêt que de satisfaire l'ego d'un ado boutonneux qui pourra ensuite se vanter "oh mais ce film, je l'ai vu 1 mois avant même sa sortie au cinéma"), autant je refuse à cautionner un système marchand où ni l'auteur ni le spectateur/auditeur ne sont gagnants, système que vous semblez défendre dans votre article.
05 novembre 2009
Je ne défends pas la vente de CD ou DVD telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui ; je me défends en tant qu'utilisateur de ce système car je me sens totalement floué dans le rapport de confiance client-vendeur par la claque de ce spot d'ouverture du DVD.
Je suis aussi écœuré que vous par la rétribution ridicule des auteurs sur la vente d'une œuvre. Cependant, je ne connais pas d'autre moyen, en tant que cinéphile et mélomane, de m'inscrire dans un système d'échange où, quelque part, les œuvres suivantes profitent des œuvres précédentes et tout peut continuer à tourner. Je ne sais pas comment répartir équitablement l'équivalent des vingt euros d'un DVD entre le magasin, le fabriquant, le réalisateur, les acteurs, le reste du personnel artistique, le studio, etc. Et, le saurais-je, comment verser cet argent ? Et, le pourrais-je, comment faire valoir la justesse de mon geste auprès de la justice, qui continuerait à me reprocher un téléchargement illégal ?
Le système est à réinventer. Cela passe sans aucun doute par le téléchargement légal, ouvert, facile, planétaire, payant, équitable pour les auteurs, d'œuvres sans DRM, sans restrictions, sans messages moralisateurs… Sans méfiance. Le net peut fluidifier tout ça.
Sur la facilité d'utilisation, j'ai mal choisi l'expression. Je ne sais pas comment l'exprimer. Il y a quelque chose comme l'idée de la facilité qu'on a à appréhender l'objet acheté que constitue le DVD, par rapport à un fichier presque anonyme. Il y a le plaisir de donner de la valeur, en matière, en poids, en couleurs, en toucher, en formes, en promesse de durabilité, en unicité, à quelque chose que l'on aime. Il y a l'évidence en termes d'expérience utilisateur (et pas forcément de rapidité, mais ce n'est pas important) du rituel « Je choisis un DVD sur l'étagère, j'extrais le disque, je l'insère, je vois mon film. » Il y a aussi l'idée du cheminement dans les rayons du magasin, qui conduit à l'appropriation par l'anecdote. Même s'il faut se déplacer, j'aime bien faire un tour à la Fnac, feuilleter les bouquins, parcourir les CD, les DVD, regarder les gadgets… Je commande aussi sur Amazon. Et j'achète sur iTunes. Et je télécharge. Et rien de tout cela n'est antithétique avec le reste.
05 novembre 2009
Autant je suis d'accord avec l'utopie d'un meilleur système favorisant la relation auteur/consommateur. Autant je suis d'accord avec la stupidité de la pub agressive que décrit Atv quand on regarde un DVD ou que l'on va au cinéma. Autant je ne trouve pas du tout normal qu'on refuse aux producteurs et aux vendeurs leur part du gâteau.
Il est possible, voire probable que la part que reçoivent les auteurs lors de l'achat d'une de leur œuvre soit trop faible. Pourtant il ne faut pas négliger le travail effectué en amont par le label et en aval par le vendeur. Ce travail mérite tout autant rétribution que celui de l'auteur puisqu'il s'agit de produire, promouvoir et distribuer dans une proportion bien au-delà des moyens d'un simple auteur (bien que pour la distribution, le téléchargement payant offre maintenant des facilités)
Les métiers qui gravitent autour de l'auteur ne bénéficient pas d'une image positive. On les imagine obnubilés par l'argent là où l'artiste serait désintéressé... Il faut qu'ils vivent eux aussi et leur travail est nécessaire.
Maintenant si quelqu'un est capable d'inventer un système merveilleux dans lequel les artistes auront miraculeusement les moyens de produire, de faire leur pub et de gérer leur distribution, on pourra songer à supprimer tous ces pique-assiettes qui osent, honte à eux, prétendre à être rémunéré pour leur travail !
06 novembre 2009
@Nico: Je ne crois pas que quiconque ait dit qu'on voulait arrêter de rémunérer les gens pour leur travail. Dans l'article il est simplement question d'arrêter d'insulter le consommateur honnête.
Par contre, je crois que dans le monde de la distribution de contenu culturel, en particulier la musique et la vidéo, tu te trompes quand tu dis que "leur travail est nécessaire". Selon moi une grosse partie du circuit de distribution aujourd'hui est devenue inutile. Ce ne sont pas les lois récemment votées qui vont les aider, elles sont juste là pour rassurer des actionnaires et ne sauveront pas une industrie obsolète.
Promotion: internet fait aujourd'hui 100 fois plus par le bouche à oreille que le secteur marketing des maisons de disques. Personnellement je n'ai pas découvert de film ou d'artiste via le circuit "classique" depuis des années. Après, il est vrai que les "pros" du marketing savent aussi utiliser ce genre de vecteur pour faire leur boulot, mais c'est une autre histoire, et le bouche a oreille ainsi que les effets de buzz ont un cout négligeable.
Distribution: Répliquer un mp3 ne coute absolument rien. Il y a 15 ans, il aurait fallu imaginer un serveur avec une bande passante hallucinante pour distribuer un disque à succès. Mais la distribution de contenu culturel aujourd'hui, grâce aux outils tels que le p2p, ne coute rien.
Production: Peut-être le seul qui mérite encore d'exister dans sa forme actuelle. Louer un studio, faire un enregistrement valable, etc, ça nécessite des professionels et du matériel. Même si dans certains domaines comme la musique électronique il est aujourd'hui possible de faire des albums exceptionnels sans moyens (ex: Destroy RocknRoll de Mylo)
Bref... moi les artistes que j'écoute s'en sortiraient mieux sans tous les intermédiaires. Après si ton truc c'est la starac'...
Je m'égare, le problème est différent pour la musique et le cinéma de toutes façons...le cinéma essaie de se mettre dans le même panier que la musique pour récupérer quelques kopecs, mais au dernières nouvelles Luc Besson mange toujours très correctement malgré le vol de ses oeuvres par les organisations criminelles de pirates de 14 ans.
Le secteur mourrant, c'est bien le secteur de distribution de musique. Le cinéma a encore de beaux jours devant lui.
10 novembre 2009
Dans la plupart des cas, le travail de production reste essentiel : peu de musiciens ou de réalisateurs pourraient financer leurs projets de bout en bout. (Même s'il y en a.) Et la boîte de prod joue le rôle d'une mutuelle (très chère, certes, trop chère même, c'est là tout le débat) : les œuvres déficitaires sont payées par les œuvres profitables. Il est logique qu'elles se payent. Il n'est pas logique qu'elles vivent mieux d'une œuvre que son propre créateur.
Wololo, je pense aussi que ton point de vue reste assez particulier : comme tu n'es pas en France, ta source d'information principale est probablement le net et le bouche-à-oreille (via le clavier, le doigts-à-yeux ?). C'était mon cas quand j'étais aux USA. Je suivais à peine les média locaux. Maintenant, pour ma part, la radio et la télé gardent une influence importante sur ce que je regarde/écoute/lis/achète, parallèlement au net. Ceci dit, ce qui semble être du buzz spontané entre individus, relayé par les blogs et les forums, est parfois totalement orchestré. La plupart des petites vidéos YouTube comiques qu'on se refile, à l'esthétique "fait maison par les gens pour les gens", ont été produites par des agences de pub (maintenant, on dit buzz marketing) pour des tarifs impressionnants.
Bref, je ne crois pas en la disparition de tous les intermédiaires. Mais je crois totalement en la maîtrise de la chaîne de distribution numérique par les artistes eux-mêmes, puis par de nouveaux opérateurs "légers" qui remplaceront les dinosaures actuels. (Tendance qui sera générale dans la vente de tout ce qui peut se dématérialiser...)
10 novembre 2009