Ce soir, c'est la Earth Hour. Il faut le dire : chapeau. Se plonger dans le noir pendant une heure pour sauver la planète, pour une mesure d'obscurantisme politique, c'est bien trouvé. Non, honnêtement, ce truc, la planète s'en moque comme moi de la fracture du péroné de l'avant-centre de Guingamp.

C'est un symbole ! me dira-t-on. Pour prendre conscience ! Pour faire entendre nos voix citoyennes ! Pour que nos politiciens se réveillent ! Que les bébés albatros des Galapagos pépient joyeusement !

Ah ! D'accord ! Je vois ! C'est comme l'abstentionnisme !

On peut arrêter de crier ?

Bien.

On peut arrêter de vénérer des symboles à la con ? Entre la journée mondiale du migrant et du réfugié (17 janvier), la journée mondiale de la diversité culturelle pour la dialogue et le développement (21 mai), la journée mondiale pour un tourisme responsable et respectueux (2 juin), la journée mondiale du bandeau blanc contre la pauvreté (1er juillet), la journée internationale de la solidarité humaine (20 décembre), la journée mondiale de la science au service de la paix et du développement (10 novembre), la journée mondiale des animaux (4 octobre), la journée internationale de la protection de la couche d'ozone (16 septembre), la journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse (17 juin), etc., on se demande comment fait le monde pour aller toujours mal. Ou plutôt : quelle naïveté, quelle bondieuserie, comme il faut avoir la conscience dérangée pour dépenser son énergie là-dedans.

Sans compter les indispensables journées des gauchers, du tricot, de la Corse, sans téléphone mobile, sans Facebook, de la météorologie, du fromage, du pied, des familles, de l'échec scolaire, de la traduction, de la poste, du lavage des mains, pour la normalisation, du bégaiement, des pâtes, de la télévision, des enfants des rues, de la procrastination, sans achats, du chant choral, des pêcheurs artisans et des travailleurs de la mer, de l'utilisabilité, de la gentillesse, des adjointes administratives et secrétaires, des gauchers, du blog, etc.

Et les désopilantes journées pour l'épilepsie, des prématurés, contre les broncho-pneumopathies chroniques obstructives, des accidents vasculaires cérébraux, des soins palliatifs, contre la douleur, du lymphome, de prévention du suicide, des personnes disparues, du souvenir de la traite négrière et de son abolition, de lutte contre la maltraitance des personnes âgées, des enfants victimes innocentes de l'agression (!), de la maladie coeliaque, du lupus, de l'hémophilie, de réflexion sur le génocide de 1994 au Rwanda, des enfants soldats, contre les mutilations génitales, des lépreux, et je n'en peux plus tellement je me marre !

Il y en a encore des dizaines, voire des centaines, mais des bonnes choses, il ne faut point abuser.

Bref, quand on voit le succès des journées à la con, on se dit que les heures à la con ont un énorme avenir devant elles, d'autant qu'il y en a vingt-quatre fois plus que de journées, donc un potentiel formidable.

Ainsi, on peut imaginer, pour sensibiliser les gens au problème de l'eau, l'heure où on se retient de pisser. Pour ce qui est du bruit, l'heure pendant laquelle tu te la fermes. Pour promouvoir l'intelligence, l'heure sans télé ni politique. Gaz à effet de serre : l'heure sans péter. Pour redevenir un peu sérieux, l'heure sans rire. Et puis l'heure sans musique, pour oublier un peu toute cette beauté inutile. Et vraiment, l'an prochain, le top pour la planète, le 27 mars à 20 heures 30, ce serait que tout le monde passe une heure sans respirer, et surtout, surtout, pour l'exemple, que tous les ministres s'y tiennent.