Imaginer l'abstrait
Ainsi naissent tes i !
Je me suis rendu compte, lors de discussions récentes avec des proches, que j'étais à peu près le seul à avoir, sans l'avoir choisie ni construite volontairement, une sorte de représentation mentale topographique des chiffres et des nombres.
Je m'explique.
Si vous me dites « cinq, » il y a des chances pour que je me représente les nombres de un à dix alignés les uns à la suite des autres et que je « vise » mentalement le cinq situé au milieu. C'est une représentation qui est plus qu'une simple image. Une espèce d'espace en trois dimensions où les nombres flottent. Je ne les vois pas du dessus ou de côté mais dans une sorte de perspective.
Là où cela devient curieux, c'est que le tout ne constitue pas une droite. Il y a des virages. Par exemple, à dix, il y a un virage à 90° à gauche, jusqu'à vingt où survient un nouveau virage à 90° à droite.
En réalité, c'est un peu plus bordélique que ça. Comme dans un rêve où les lieux et les gens ne sont jamais tout-à-fait les mêmes d'un bout à l'autre, où la topographie est brisée.
La représentation ci-dessous (cliquer pour agrandir) est donc plus une idée générale qu'un schéma définitif. Il n'y a pas un schéma unique. D'ailleurs, tout ne se raccorde pas très bien : les centaines entre cent et mille m'apparaissent plutôt empilées verticalement, mais si je « zoome » autour de 100, je vois une continuité horizontale. Je ne sais donc pas très bien comment les choses se raccordent entre 100 et 200.
Encore plus amusant : selon l'usage que je fais des chiffres et des nombres, je ne vais pas forcément voir apparaître cette représentation. Il me semble que pour les nombres réels, ensemble où il y a une continuité, je vais plutôt tout voir comme une simple droite, sans ces zig-zags, et un trait ininterrompu matérialisera cette continuité.
Par contre, pour de nombreuses utilisations, la « carte » ci-dessus s'impose : pour additionner des petits nombres, pour penser à des prix[1], pour apprendre les nombres en langue étrangère[2]…
Dans l'ensemble, je ne crois pas que ça m'aide, ni pour calculer, ni pour mémoriser. Peut-être que ça me rassure juste un peu : Bien, ce nombre, je le vois, il est là, dans mon territoire.
Pour les dates, c'est encore autre chose. Comme précédemment, le dessin ci-dessous retranscrit aussi mal ma représentation mentale qu'un simple récit saurait décrire un rêve.
Par ailleurs, selon l'utilisation que je fais des dates, selon la raison pour laquelle j'y pense, je vais voir cela sous un angle différent, les années du dessin ci-dessus agencées à la queue leu-leu dans un espace tridimensionnel, mon point de vue étant « en altitude, » au-dessus d'une certaine date, et regardant soit vers le passé, soit vers le futur, soit observant une époque précise en se « rangeant sur le côté. » Cette vue 3D est plus qu'un gadget, puisque plus je « regarde » loin de l'année à laquelle je m'intéresse, plus les années sont rapprochées, jusqu'à disparaître en un point à l'horizon, ce qui permet de compresser l'information de façon utile. Je répète que tout ceci est totalement involontaire. C'est juste comme ça.
Quant aux mois de l'année, je les vois en cercle, dans le sens anti-horaire. Enfin, plutôt en une forme fermée mais biscornue, avec des angles marqués début janvier, début septembre et début décembre, un virage en juillet et d'autres gadgets…
Pour finir, clin d'œil à Rimbaud qui voyait les voyelles colorées (au moins poétiquement). Je ne vois pas systématiquement les voyelles en couleurs mais si je cherche à associer une couleur à une voyelle, les mêmes associations reviennent toujours.
Ainsi, ce n'est pas A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu mais A rouge, E jaune, I blanc, U vert, O noir. Peut-être avais-je un jeu ou un livre, quand j'étais petit, où les voyelles avaient des couleurs…
Au fait, ces représentations mentales, ça s'appelle de la synesthésie.
Et vous, vous voyez les choses comment ?
24 mai 2010
Commentaires
Je ne savais pas que se représenter les chiffres portaient le nom de synesthésie. Moi aussi, je fais comme ça, et ce n'est en rien plus pratique mais c'est comme ça...
Il a toujours fallu que je me représente les choses pour les comprendre. (Comme quand je lis un livre, je me dois de créer les images dans ma tête sinon, je perds le fil de l'histoire)
J'ai fait quelques rapides dessins sous Paint, car, ce sera plus simple à comprendre :
http://img163.imageshack.us/img163/...
Sinon, ma représentation des réelles est comme la tienne, à savoir "je vais plutôt tout voir comme une simple droite [...] un trait ininterrompu matérialisera cette continuité"
mais ça, je pense que ça vient des mathématiques, tel quelles sont enseignées, tout jeune (en 5e) on m'a appris l'existence de Q, en me représentant une droite continue dont chaque point représentait un chiffre. Depuis, j'ai gardé cette représentation. (qui est pour moi comme la droite x d'abscisse de n'importe quel repère o, i,j)
tout comme, je me représenter des patatoïdes quand je fais de l'algèbre linéaire...
25 mai 2010
Il y a quand même une différence entre se construire des images « à la volée » et volontairement pour résoudre ponctuellement un problème (ensembles d'algèbre, comprendre une histoire…) et faire spontanément une association entre deux idées, toujours de la même façon au fur et à mesure que les années passent, sans jamais le vouloir. Raisonner visuellement ou utiliser des images pour s'aider à raisonner n'est pas de la synesthésie. D'ailleurs, comme tu le confirmais, avoir une représentation visuelle de la suite des entiers n'aide pas particulièrement à raisonner.
En tout cas, je suis surpris de certaines similitudes entre nos représentations : le zig-zag 0-10-20 et les mois de l'année (je n'ai pas le trait rouge, d'ailleurs très curieux, mais la figure m'est assez familière). Et c'est vrai que j'ai oublié de mentionner les jours de la semaine, organisés selon un patatoïde de forme caractéristique dont chaque recoin me semble pourvu de qualités particulières. (Mais parcouru dans le sens horaire, contrairement aux mois !)
25 mai 2010
Bonsoir,
je suis contente d'apprendre que je ne suis pas la seule à visualiser mes chiffres de façon biscornu ! au début je pensais que tout le monde visualiser un chemin plus ou moins similaire pour compter.
Mais je me suis rendu compte que j'étais la seule à faire ça dans mon entourage, pire, mes amis m'ont dit que j'étais pas net! du coup j'ai la preuve que je ne suis pas seule grâce a vos témoignages! merci!
sinon pour info ma représentation des chiffres est un peu plus aérienne et courbée j'ai envie de dire, dommage que je ne puisse pas faire de dessin! et ha oui, pour moi le fait de voir les chiffres m'aide, genre si je multiplie par deux je voix ou le résultat "atterri"!
voilà!
03 mai 2011
Bonsoir,
Ce site pourrait vous intéresser : http://synestheorie.fr/
Et particulièrement cet article : http://synestheorie.fr/synesthesie/...
Cordialement,
Vincent Mignerot.
27 mai 2012