Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut changer fondamentalement notre mode de vie pour des raisons écologiques. Il faut vivre et, tant qu'à faire, vivre bien ces quelques décennies qui nous ont été accordées on ne sait trop comment ni pourquoi, dont chaque instant confine à l'émerveillement tant on comprend finalement peu ce qui nous arrive. Tout cela devient assez vain si chacun de mes actes doit être soupesé à l'aune de la longévité de la planète : me faudrait-il occuper mon existence à laisser son empreinte me tourmenter ? Non.

Néanmoins, je suis parfaitement disposé, à effort à peu près égal ou faiblement supérieur, à changer mes habitudes si cela peut faire un quelconque bien à l'environnement ou à autre chose — car je ne crois pas que l'environnement soit une considération à mettre sur un piédestal. Il y a d'autres préoccupations valables ; ce n'est qu'en désacralisant l'environnement qu'on pourra s'en occuper raisonnablement sans tomber dans la négation de l'humanisme. Bref.

À l'aune de ces petits efforts, je me mets à regarder les provenances des légumes. Je trouve ainsi parfaitement idiot d'acheter des pommes de terre d'Égypte ou d'Israël quand on les cultive aussi bien à la sortie de Toulouse. Or, le Carrefour que je fréquente est presque exclusivement fourni en pommes de terre du Moyen-Orient. Des bananes des tropiques : logique. Mais merde, des pommes de terre…

Pire : les bêtes oignons jaunes, qui poussent n'importe où sans difficulté, viennent d'Australie ou de Nouvelle-Zélande. Comme il est amusant de piéger les clients, ils sont vendus sous la marque « Jardins du Midi ».

Je ne parlerais pas de sujets si emmerdants si je n'avais pas vu aujourd'hui une pub Carrefour en pleine page où l'enseigne se targue de distribuer des fruits et légumes d'origine française. Certes, il y en a, ce qui rend la pub vraie. Mais se vanter de cela quand on fait faire vingt mille bornes à des oignons, c'est considérer bien mal ses clients. C'est d'ailleurs une habitude dans la grande distribution, plus encore qu'ailleurs. Offres spéciales plus chères que le produit standard, fausses promesses de baisse des prix, cartes de fidélité attrape-couillon (et on se fait attraper qu'on la prenne ou pas)… En criant assez fort le contraire de ce que l'on fait, on arrive sans doute à convaincre pas mal de monde. (Tiens, c'est aussi la stratégie de com gouvernementale. J'ai souvent l'impression de subir de fausses soldes quand j'écoute les discours politiques, ces temps-ci. Les communicants sans foi ni loi sont la grande plaie contemporaine.)

Dans l'ensemble, je crois que je serais prêt à payer plus rien que pour qu'on arrête de se foutre de ma gueule.

Ah non, zut, ça se mord la queue.

Quoique. C'est finalement un peu ce que je fais en allant au marché autant que possible. C'est plus cher, meilleur, de provenance généralement régionale et sans pub hypocrite qui vous hérisse le poil du dos. Le luxe moderne est celui de rester à l'écart du bourrage de crâne. Lequel me semble tout aussi dangereux que la pollution.

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(D'après Rochester Factory, de Ben Reierson (Flickr), photo utilisée sous contrat Creative Commons by-nc-sa.)