On appelle supernova une étoile massive qui, arrivée en fin de vie, s'effondre sur elle-même, son cœur n'envoyant plus assez de radiations vers la surface pour retenir les couches supérieures de tomber vers le centre. L'onde de choc causée par l'effondrement provoque paradoxalement une formidable expulsion de matière dans l'espace. L'étoile était brillante, vivante, et puis s'effondre, explose et ne laisse derrière elle qu'un nuage de matière luminescente, la nébuleuse.

Chaque siècle, dans notre voie lactée, ces événements se comptent sur les doigts d'une main. C'est une chance d'y avoir assisté.

Si le football — le sport, le jeu, les joueurs — est le noyau sans le rayonnement duquel le football — le merchandising, le nationalisme, les putes — est condamné à s'effondrer, alors peut-être va-t-on se réveiller d'une hystérie nationale en se demandant ce qui s'est passé. Peut-être toute cette merde agrégée va-t-elle s'effondrer enfin et se pulvériser sous l'onde de choc.

Il ne s'agit pas du monde du football, qui m'indiffère absolument — il y en aura d'autres que moi pour pleurer sur son sort. Je parle encore moins du sport lui-même, qui m'indiffère tout autant mais dont je comprends qu'il puisse passionner sainement. Je parle de sa force gravitationnelle délirante et de ce qu'elle entraîne. La diplomatie. Les espoirs des jeunes. L'économie. Notre image à tous, qu'on accepte ou non d'être représentés aux yeux du monde par une vingtaine de couillons décérébrés (je ne parle pas du gouvernement). L'information noyée, étouffée. L'influence du football, dénuée de la moindre logique, injustifiée, injustifiable, relève de la folie la plus profonde.

Cette semaine, on a vu des chaînes de télé afficher URGENT pour nous informer du score de Liechtenstein-Papouasie. On a vu des ministres s'envoler avec leurs délégations pour l'Afrique du Sud. Des journalistes accorder autant d'importance au fils de pute d'un footballeur qu'au casse-toi pauvre con d'un président. Des millions de gens s'émouvoir de ce que des types refusent de taper dans une balle. Surtout, on a vu un pays entier croire fermement que tout cela puisse être autre chose qu'absolument dérisoire. À force d'y croire, c'est devenu vrai. La presse étrangère affirme la France humiliée en tant que pays. Rappelons les faits : on a envoyé des couillons décérébrés jouer au foot et ils ont fait n'importe quoi. Le sport est le seul divertissement dont les médias et les gens franchissent si facilement la frontière, mélangeant le théâtre local et anecdotique d'un match au théâtre global de la géopolitique et des cultures. On rirait d'un tel amalgame si les protagonistes moqués en étaient des musiciens, des acteurs de cinéma, voire des chefs d'entreprise et des hommes politiques qui pourtant, eux, devraient être un peu plus inquiétants que notre vingtaine de couillons décérébrés. Même Jean-Marie Messier et Sarkozy n'ont pas autant nui à l'image de la France que les Bleus.

Est-il utile de dire que les joueurs n'y sont fondamentalement pour rien ? Ils sont peut-être nuls humainement et sportivement. Peu importe. Est-il raisonnable de mettre autant de responsabilités entre les mains (sic) de types dont le boulot est de jouer au foot ? Est-il raisonnable de faire des modèles d'individus si gâtés ? Qui peut affirmer qu'il ne deviendrait pas un connard infâme dans les mêmes conditions ? Il n'est pas interdit d'être con ; il est interdit de laisser notre destin dépendre de cons.

Gamins, si vous rêvez d'être footballeurs, rêvez aux vivats du stade plutôt qu'aux flashs. Et préoccupez-vous quand même un peu des supernovas. On ne sait jamais, on pourrait avoir besoin de gens utiles, un jour.

Supernova

Et merde ! Je m'étais promis de ne pas évoquer le foot sur ce blog !