Que se passe-t-il quand Facebook rencontre World of Warcraft et Second Life, et que le compte que l'on possède sur ce réseau social nommé Oz permet aussi de se connecter aux services administratifs, à l'extranet de son entreprise et à tout système d'information où l'on a un droit d'accès ?

C'est la question que s'est posée le réalisateur japonais Mamoru Hosoda, à laquelle il apporte une réponse possible, à la fois grave et ludique, avec son film d'animation Summer Wars.

Summer-Wars_fichefilm_imagesfilm.jpgAu début des vacances d'été, Kenji, un lycéen travaillant à la maintenance d'Oz, plateforme hybride entre réseau social, jeu vidéo, services en ligne et monde virtuel, est invité par Natsuki, étudiante de son lycée, à l'accompagner à la campagne pour un mystérieux job d'été. Abandonnant son travail sur Oz, il suit Natsuki dans sa demeure familiale, une somptueuse propriété où la famille est réunie pour fêter les 90 ans de la grand-mère, une matriarche intelligente, appréciée et respectée par tout le monde — mais qui ne se laisse pas compter d'histoires. Elle est la doyenne d'un clan familial qui remonte au moyen-âge et qui, bien qu'ayant perdu l'essentiel de sa fortune, reste respecté et influent.

Alors qu'il est un peu perdu dans ce cadre idyllique où il ne connaît personne, Kenji, surdoué en mathématiques, répond par mail à une énigme reçue d'un expéditeur inconnu sur son téléphone portable. Le lendemain, le monde d'Oz tombe dans le chaos, des centaines de millions de comptes ayant été piratés. L'onde de choc ne tarde pas à se propager dans le monde réel, des hauts responsables de plusieurs administrations ayant perdu le contrôle de leur identité informatique. Les feux de circulation sont déréglés, ainsi que les réseaux de gaz, d'eau, d'électricité… Et pire.

Le thème de la prise de contrôle de systèmes informatiques faisant peser une menace sur le monde n'est pas nouveau, puisqu'on le trouve déjà dans War Games en 1983. Il a eu le temps d'être exploré depuis. Summer Wars ne pouvait pas reposer entièrement sur cette idée, au risque d'être rapidement catalogué et oublié. Sans nier son côté « film de hacker », le film s'ouvre donc simultanément dans plusieurs directions : film de vacances, comédie, film de fin du monde, histoire initiatique, film sur la modernité, sur l'intemporalité, sur la famille, les liens sociaux, sans oublier le côté épique et les scènes d'action.

Cette volonté de ne pas se focaliser sur l'informatique et la technologie est notable dès le début du film : venu voir une histoire de monde virtuel, on se retrouve parti à la campagne, dans une demeure traditionnelle où se prépare un festin et où les liens familiaux sont le tissu dense d'un certain bonheur. L'idée même de s'occuper avec un monde virtuel semble tout à coup un peu vaine et le film fait passer, en subtilité, sa première idée. La même dichotomie se retrouve d'ailleurs dans le titre qui constitue presque un oxymore, opposant la guerre au repos habituel de l'été. L'été étant évident dès le début, on sait que la guerre va arriver.

Autre point d'originalité, la matrice informatique de l'histoire n'est pas un nid à geeks, elle n'est pas faite de caractères verts sur fond noir, ni d'obscurs systèmes dans des caves de béton, pas plus que de chambres de hackers reclus. Elle est — et Summer Wars grille la politesse au film de Fincher consacré à Facebook, preuve que l'idée est désormais dans l'air — un réseau social où l'on se connecte via son téléphone, sa télé ou son ordinateur et qui n'émeut pas plus ses utilisateurs, soit l'essentiel de la population, que ne le fait Facebook aujourd'hui. C'est un service, une distraction et il y a la vie à côté. Les addicts y sont minoritaires et celui que l'on voit dans le film est plus proche de l'ado standard que de l'asocial chronique. Ouf, on évite complètement le film-jugement — dont les Japonais ne sont de toute façon pas coutumiers.

Néanmoins, sans les crier, Mamoru Hosoda suggère des choses. Il dit que la famille, les proches sont le premier réseau social. Il dit que la nouveauté ne s'oppose aucunement à l'existant, qu'elle s'y ajoute, que la responsabilité réside plus dans l'utilisation que dans l'invention, dans l'intention que dans l'outil.

Et au-delà de ce que l'on peut analyser, Summer Wars reste avant tout un film divertissant, plein d'humour, de personnages très réussis, de scènes qui font agréablement résonner en nous l'été du film, tels ces dîners pris au crépuscule entre intérieur et extérieur, comme le permettent les maisons traditionnelles japonaises, entre la lumière chaude de la maison et la campagne qui disparaît dans la nuit derrière les fleurs de liserons. C'est ainsi qu'entre le lieu, les membres de la famille, nous sommes enveloppés, comme l'est Kenji, par un agréable cocon qui dure le temps du film. Joyeux comme en vacances, et les drames deviennent des histoires de vacances.