Elle est la série peut-être la plus particulière que la télévision étasunienne nous ait offerte ces dernières années. Qu'il y ait une série géniale de plus, ce n'est pas une surprise en soi, vu la qualité exceptionnelle de la production récente : House, Dexter, Lost… Quelques créateurs américains infiniment doués contrôlent le souffle de centaines de millions de téléspectateurs autour de la planète.

Mais voilà, Mad Men, en plus d'être géniale, apporte la preuve que l'imagination et le perfectionnisme de ces créateurs sont sans limite. Complètement déchaînés.

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La série se situe au début des années 1960, à Manhattan, dans l'agence publicitaire Sterling Cooper Advertising. Ce n'est pas la plus grande agence du pays mais les affaires marchent et les talents y sont nombreux. Don Draper, cadre respecté, y occupe un poste important. La série s'articule autour de lui, son identité floue, son travail, sa femme, ses enfants, ses maîtresses… En plan plus large, l'honnêteté, le mensonge, la dissimulation sont les thèmes qui nourrissent le moteur narratif — situer l'histoire dans le monde de la publicité est alors particulièrement justifié (notez l'excellent jeu de mots de l'accroche de la série : Where the truth lies). Élargissons encore un peu le cadre : on y voit le monde du travail, les conflits personnels, la probité, l'aspiration de chacun à se réaliser par le travail et dans sa vie personnelle, à travers le quotidien de l'agence Sterling Cooper dont les employés constituent l'essentiel des personnages secondaires (avec la famille et les voisins de Don Draper). Grand angle, enfin : nous avons un panoramique de la société des années 1960, ses habitudes, ses convictions, son machisme, son tabagisme, son individualisme naissant, ses normes sociales contraignantes, son style, son esthétique, son élégance aussi.

Rien n'est fait pour séduire facilement mais ça séduit parce que c'est extrêmement bien fait. La plongée dans les années 1960 est complète, jusqu'à la réalisation qui prend son temps avec les dialogues et les plans. C'est une série faite de fauteuils confortables, de canapés, de whiskys sirotés, de cigarettes consumées, de répliques qui prennent leur temps pour tomber à point. Les costumes, les décors sont extraordinaires. Les images de cigarettes, de bourbon offert et bu à longueur de journée entre collègues, les remarques ultra machistes, tout cela a un côté fondamentalement libérateur tant cela transgresse d'interdits actuels, même quand il ne s'agit que de télévision. (Pendant ce temps dans un pays qui part complètement en vrille, la RATP gomme la cigarette de Gainsbourg et la pipe de Tati sur des affiches de films.)

Ce sont cette atmosphère soignée et la solidité du personnage de Don Draper, le mystère qui l'entoure, qui poussent à revenir à Mad Men épisode après épisode. (Sans compter quelques personnages lynchiens comme le président de l'agence.) Car ce n'est pas une série à cliffhangers, pas une série à ficelles. Plutôt une série dont on a envie de connaître les protagonistes toujours un peu plus.

Foncez sur la saison 1, vous m'en direz des nouvelles.


En bonus, le superbe générique :