Généralement, les amis qui me rendent visite se plaignent du stationnement. Je peux les comprendre. Les places sont rares, dans le quartier, et les sens uniques impitoyables pour qui cherche à tourner sans trop s'éloigner. Après deux ans et demi, je continue à perfectionner mes techniques de ronde.

Au pire, quand je n'ai pas envie de chercher, il existe, à dix minutes de marche, un parking gratuit où l'on trouve presque tout le temps de la place. Je conseille à mes amis de s'y garer. « C'est loin. Je ne sais pas comment tu fais. Je ne pourrais pas. » m'a-t-on dit.

Différentes notions du confort. C'est certes un confort de se faire tirer par un moteur à essence jusqu'au pas de sa porte. Mais je crois que c'en est un au moins aussi grand de s'arrêter de l'autre côté de la Garonne en sachant qu'on va avoir à soi, obligé, un petit morceau d'espace-temps pour déambuler sous la frondaison des hauts arbres du Cours Dillon ; traverser le Pont-Neuf où s'offre un des plus beaux panoramas de la ville ; fouler les quais de la Daurade en se retournant vers le pont dédoublé par les eaux… Si on se plaint de ces dix minutes, de quoi va-t-on se satisfaire ? Du même temps passé devant le net ou la télé ?

Il y a autre chose que la beauté des lieux. Une odeur d'humus sur le Cours Dillon. Un froid piquant sur les joues, des cheveux en vrac. Des jambes rendues à leur utilité. Un rappel de ce que l'on est. C'est difficile à exprimer ; peut-être est-ce antérieur aux mots dans l'histoire de l'espèce ; peut-être aimons-nous marcher sous des arbres près d'un cours d'eau en reniflant des feuilles pourries. Combien est ridicule le citadin cherchant à garder contact avec le peu de nature qui lui reste.