Les mots mutent violemment et n'étayent plus grand chose, eux qui construisirent à peu près tout.

Ô, ère du twit sec et ridé, du contexte ôté.

Ô, discours politique prêt à tout face à l'oubli instantané du public. Il faut toucher le subconscient vite, violemment, provoquer des décharges d'émotions, et se moquer de dire des choses qui se tiennent — on peut frapper comme ça et recommencer chaque jour. La réalité est un problème tout autre. Elle n'est pas faite pour les mots. Les mots ne sont pas faits pour la réalité.

Ô, graciles sœurs certifications ISO et NF que les administrations exhibent sur de grandes affiches qui nous expliquent qu'on ne peut rien dire, qu'on aurait tort de dire, car un organisme agréé l'a déjà dit : l'accueil est bon, les temps d'attente sont courts, les lieux sont propres, les renseignements sont disponibles, les plantes sont vertes. Sauf que l'accueil est désagréable, on fait la queue, c'est crade et nos démarches restent vaines. Quand bien même, dans le cas contraire, l'aurait-on remarqué sans les affiches. Mais on ne peut que se taire car saint ISO l'a dit : tout va bien, rassurez-vous, le temps d'attente est court, votre expérience personnelle est biaisée, illusoire, elle ne peut pas être réelle — la réalité est certifiée, vous rêvez sans doute de ces files d'attente interminables, vous devriez consulter. Non, non, merci, je sais ce que vous me faites. Il est plus simple de dire la vérité telle qu'on voudrait qu'elle soit que de faire ce qu'il faut pour qu'elle le soit.

Ô, mots tout secs, morts, qui ne valent pas grand chose mais qui coûtent encore moins.

Ô, livres qu'on voudrait électroniques en feignant d'ignorer qu'ils ont déjà, tels quels, atteint le stade ultime de leur évolution pour l'essentiel des usages.

Et un vieux blog plein de texte, de mots, qui ne poste ni vidéos rigolotes ni images avec des animaux cons et qui ne relaie aucun appel à ci ou ça, qui ne copie rien, qui pèse ses mots, ça rime à quoi ? J'ai à la fois impression que c'est d'une importance extrême et d'une insignifiance absolue. C'est évidemment d'une insignifiance absolue. Sinon, il y a longtemps que j'aurais arrêté. C'est la futilité de l'entreprise qui la rend amusante. Il faut s'occuper. Et heureusement qu'il y a des vidéos rigolotes ailleurs. Sinon, qu'est-ce qu'on se ferait chier.


P.S. : c'est non sans la joie la plus indécente que j'ai été en ce jour intronisé membre du CDPQLOAVD, le Cercle Des Poètes Que L'On Aimerait Voir Disparaître, du saint-clavier même de son béni fondateur Zorglub.